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10_les_vivants_se_sont_tus
 

Poésie de Mme De Noailles  1876 - 1933

 
Les vivants se sont tus, mais les morts m’ont parlé ;
Leur silence infini m’enseigne le durable.
Loin du cœur des humains, vaniteux et troublé,
J’ai bâti ma maison pensif sur leur sable.
 
Votre sommeil, ô morts déçus et sérieux,
Me jette, les yeux clos, un long regard farouche ;
Le vent de la parole emplit encore ma bouche,
L’Univers fugitif s’insère dans mes yeux.
 
Morts austères, légers, vous ne sauriez prétendre
A toujours occuper, par vos muets soupirs,
La race des vivants, qui cherche à se défendre
Contre le temps, qu’on voit déjà se rétrécir ;
 
Mais mon cœur, chaque soir, vient contempler vos cendres,
Je ressemble au passé et vous à l’avenir.
On ne possède bien que ce qu’on peut attendre ;

Je suis mort déjà, puisque je dois mourir…

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